La Bardot aura beau réussi à revendiquer le coeur du beau Serge et de millions d'autres, elle n'en pourra jamais à elle seule revendiquer la perennité de ces deux initiales légendaires.. Certains resisteront, dont moi.. Et B.B. émoussera une autre signification bien plus proche d'une certaine forme de réalité, dans l'univers si inaccessible et elitiste de l'illumination.
.. B.B. s'est matieralisée, a quitté le monde des reves impossibles et des idéaux abandonnés pour endosser une enveloppe charnelle et ainsi prendre forme humaine..
Vivons-nous tous au moins une fois dans notre vie des evenements qui nous offrent cette jubilatoire occasion enfin de trouver un but dans l'existence?? Assurement, non..
D'abord, l'intrusion forcée dans le cyber-espace.. Nonchalemment, une curiosité distante et molle invite à regarder d'un oeil distant, furtif et desinteressé les differentes photographies qui illustrent les messages envoyés par les sites de rencontres.. Un étrange sentiment survient, qui entremele amusement leger et gene sensible.. Cela ressemble parfois à un magasin, un marché aux bestiaux dans lequel le betail est suffisement fourni pour que le boucher puisse choisir le meilleur individu qui puisse fournir la meilleure viande; impossible de ne pas voir le coté révoltant de tout cela, quelque chose de pathétique, de médiocre..
Et puis, il y a aussi l'autre versant, quand apparaissent les yeux..
Le chantre de l'anticonformisme que je suis devenu malgré moi se surprend à entamer, presque par instinct, reflexe, presque fievreusement, une démarche de communication..
Une force invisible qu'on ne peut identifier ni combattre guide mes mains et mes clics..
"Peut-on parler?? Je caresse l'espoir que tu accepteras.."
Les yeux..
Réponse: "Oui, pourquoi pas.."
.. On m'a récemment qualifié de fou, mais de manière douce, rien d'abominable, quelque chose d'inoffensif.... Fou?? Oui, peut-etre.. Probablement.. Mais comment ne pas sombrer dans la folie douce lorsque les Dieux vous gratifient d'une émotion aussi soudaine qu'imprévisible??
Je repense à cette citation de Yafi’î Raoudh al Rayâhîn: "Tu es devenu fou à cause de celle que tu aimes.." J'ai dit: "La saveur de la vie n’est que pour les fous..".
Les yeux..
L'objet de cette folie est un être lunaire, iconoclaste et profondement sensitif.. Multiple, presque incandescent et volubile.. Une richesse complexe qui s'mprègne de l'exploration inconsciente de tous les phénomènes émotionnels qu régissent les fondements de l'humain..
Un paradoxe incarné.. Animé du désir de détruire autant que de construire..
Quelle est cette amertume qui peu à peu ronge son coeur?? Et quelle est cette force invisible qui me pousse à comprendre cette amertume, à la faire mienne et à tenter de l'apaiser??
Les yeux..
D'abord, les mots.. Tendres, doux, ils caressent et rasurent. Ils trahissent les tréfonds d'une âme fragile qui a trop souffert, trop vécu et pas assez à la fois.. Le paradoxe toujours.. Professeur de vie et élève à la fois.. Miroir au féminin et contraire complémentaire.. Accointances, symbiose.. Mais que se passe t'il?? Qu'est-il en train d'arriver?
Les yeux..
La première fois au téléphone, l'unique, l'impression de submerger et d'etre submergé du flot tumultueux de mes paroles, de ses proles, noyé dans les méandres de mes excuses embarrassées, au fond de mes silences écarlates..
Avoir si peur d'être maladroit – et ridicule – alors que la timidité paralyse et que le timbre de sa voix, si lointaine et si proche, engourdit peu à peu, charme subtil… Sait-elle que je suis en fait très réservé, très pudique?? Ces menus signes avec lesquels on jongle, qu'on caresse ou triture me met en transe et me rend téméraire.. Ne plus désirer qu'une chose: entendre sa voix, accoler sa voix à.. ses yeux..
Devenir chroniqueur inconscient, crever du désir profond de tout confier, de se voir confier le cadeau de l'histoire d'une vie tellement normale et tellement plus riche qu'il n'y parait..
Et à chaque subtilisation du temps, ne fût-ce qu'un seul instant, adhérer à sa vie, s'y suspendre.…
Effectivement, quelle folie!!
Est-ce cela le vrai partage des âmes?? Quand les yeux qui parlaient tant laissent la place aux mots??
Est-ce cela aimer par effraction, au risque angoissant d'effaroucher et d'éffrayer?
Il y a plusieurs manières de séduire. On peut "draguer" au sens canaille du terme, on peut attirer une belle jeune fille, doublement aguichante du fait des origines éxotiques, la chasser physiquement, j'allais dire sportivement, en la filant, en la pistant jusqu'à la serrer au plus près.. Comme font tous les autres, par simple appétit, sans profondeur, sans saveur.. Je n'ai jamais été doué à ce sport, je n'ai d'ailleurs jamais voulu l'etre.. Moi, c'est dans les livres que j'ai erré à la rencontre de la sensualité, puisque la lecture est mon vice et mon plaisir, puisque l'écriture appelle la lecture tout comme l'exhibitionniste exige son voyeur.. J'ai ainsi appris l'amour avant le désir..
J'ai épié des heures durant tes trouvailles de style, le souffle des émois, de la maturité jusqu'à la rosée juvénile… J'ai relevé ici et là les menues fautes de syntaxe ébréchant la grammaire mais ciselant la vie, la vie naïve et pure telle qu'elle n'existe que dans les histoires racontées… J'ai pisté, sans les connaître, les émotions les plus autenthiques, jusqu'à ce que je vive les miennes...
j'ai ainsi scruté les amours littéraires et cinematographioques des autres, enviés et maudits, me guidant jusqu'à mes propres amours, m'annonçant l'inexorable septième chapitre qui s'ornerait forcément de mon propre prénom comme au fronton du Temple.
Ce labyrinthe sémantique fut mon initiation, périple tendre, sensuel, odorant, plus calciné que toutes les réalités du monde, parfois souriant comme un val enchanté et un peu austère en même temps, comme la vie qui coule et se déroule et va et vient… Et les jours passent, les nuits aussi, et cette hémorragie secrète, enfouie, et en même temps la béance.. mon aiguillon, mon salut..
B.B. saigne de cette hémorragie.. N'est-pas cela la veritable signification d'une Rencontre?? lorsque tous les autres voient une peau satinée, l'un entrevoit une plaie.. Une plaie qui raconte la perdition dans son celibatorium morose entrecoupé d'accidents qu'elle qu'elle regrette souvent aussitôt, ineluctablement, besoin d'enluminer son âme, de calligraphier sa grisaille de vie même si cette tendresse (je n'ose pas dire amour, pas même amitié) n'est qu'une émotion virtuelle, une sorte de fiction romanesque et délirante, bouteille à la mer sans véritable destinataire... Et dans cette recherche éperdue, le paradoxe est toujours eperdument vivant.. Dans la recherche de l'absolu, la bienveillance qui se présente est punie, condamnée, sanctionnée, chassée.. Comme pour dire: "tu m'as laissé souffrir des années durant.. comment as-tu pu??"
Tristesse.. L'essentiel est que le cœur s'épanche, que le regard redevienne limpide après la fièvre, que demain se pare de vives couleurs, que son oasis refleurisse??
Non pour s'oublier ou bannir la mémoire, mais pour ne pas souffrir inutilement, pour ne pas raviver la plaie de ton mutisme comme on souffle en vain sur des braises mortes.. Pour créer un autre avenir qui adoucira le passé pour le transformer en vécu..
Ma plume me démange, mes mots sont passerelle, semailles, caravelle.. mon cœur est ce trois-mâts qui traverse la mer... Comme je voudrais ce soir trouver dans le silence ces vocables magiques, étincelants comme des gemmes dans le noir, et qui sauraient la séduire, la fasciner, l'appâter…
J'aimerais subrepticement me faufiler en elle, me glisser dans son âme, pour deviner au plus intime ce que elle-même souhaite y lire, ce qu'elle brûlerait de ressentir car sa vie doit redevenir légère à porter et disponible pour le long voyage de ses rêves, pour l'envol de son Moi secret… et son visage grave et mélancolique, son corps ambré que j'ai, pudiquement ou sensuellement, je l'avoue, façonné en mes songes… tout son etre disponible à l'apprivoisement, à la tendresse, au dialecte, à un duo gercé de baisers qui ne seront que doux… "Il faut qu'un cœur se brise ou se bronze.".. Je ne sais plus qui a écrit cela.. Et s'il suffisait qu'elle s'entrouvre d'abord, c'est le 1er cadeau qui me sera offert..
Et puis le corps..
J'ai longtemps cru naïvement que l'amour peut se glisser entre les pages des livres, comme le coffre enfoui dans l'île mystérieuse, que l'amour peut fleurir au bout des yeux, à portée du cœur battant, juste après la dernière page du tout dernier chapitre qu'on tourne fébrilement d'un index impatient… d'étranges vibrations pourraient naître, d'infimes appels d'antennes, mutuel frôlement d'âmes… Et la passion flamboie sans les verres déformants et opaques de la peur, du noir péché.. J'ai rêvé, je me suis égaré: banale est la réalité, point de magie ni dans les mots explicites ni dans les non-dits pudiques. Les relations humaines demeurent épaisses, les signaux du cœur ne se décodent pas aisément… et l'on reste seul, un tantinet ridicule, respectable mais ratatiné, raisonnable et mort-né..
Comment écrire une psalmodie d'amour sans faie peur et sans faire fuir??? à moins de faire le littérateur ou le prédicateur… Ou puiserais-je la force, l'espoir, de semer dans ma nuit ces diamants insensés?? Pourquoi?? Pour qui?
Et tant pis pour la peur et les conventions.. Pour le trésor des sables, ma complainte de gueux, car l'amour est mendiant... Mais qu'importe, grâce à ces gribouillages, ma vie demain embraie, bondit, l'espoir palpite et jongle avec le soleil du sud..
Mais il y a révolte, et je me dois de la passer outre.. Je dois balbutier et dégeler mon silence de mort…..
Ce rêve est ma folie dont elle m'affuble, mais elle est aussi ma rédemption, mon cadeau de vie, mes seules étrennes, et tracer pour elle ces bribes de tendresse, son souffle sur le carreau givré embue mes souvenirs mauvais et dessine l'espoir.. Qu'n me laisse l'avouer: c'est une nuit étrange, d'exode ou de nativité, je ne sais et qu'importe..
Comme il y a très longtemps, à des années-lumière, quand j'étouffais ma honte d'inverti sous ma piété pubère, je sens poindre ferveur, un feu qui me dévore, qui a un goût d'absolu. D'ordinaire, je me méfie par faute de ressentir ces choses, je me bats, mais aujourd'hui, j'accepte… Je viens d'entrebâiller la lucarne de mon âme, j'étouffais trop dans ma carcasse imposante..
une sourde rumeur, Paris appesantie, de si haut invisible, juste une brisure de ciel dans cet hiver rigouraux. Tant mieux: l'infini nous relie.. Ma pensée s'évade et son âme féline s'y faufile.. Et tout à l'intérieur, juste sous les paupières, non, bien plus profond, dans le narthex du cœur, son icône s'incruste: je sonde sa béance, je palpe son mystère..
"La vérité de ce monde, c'est la mort.. La vie n'est qu'une ivresse, un mensonge, c'est délicieux et bien indispensable", a écrit Celine.. Il est temps de quitter la vérité, le pragmatisme pour enfin embrasser ce pourquoi la mort existe: la vie, l'illusion bénie qui pimente et désamorce le tragique.. Jusqu'à la verité alternative: donner la vie..
Un jour, quand elle le désirera très fort, c'est elle qui m'enverra des mots: ce matin-là, ma boîte aux lettres sera un tabernacle.. Et un autre jour, sur les grands boulevards parisiens, nous prendrons un thé à la menthe ensemble.. Face à face, corps à cœur, et elle me parlera de son univers, de sa famille, de ses projets raisonnables et de ses rêves insensés trop longtemp abandonnés, et moi aussi, promis, je lui partagerai ma vie… et enfin, sous cette voix téléphonique que j'ai enregistré dans ma mémoire comme une relique d'affection, un aveu d'outre-tombe, sous ces heures nombreuses et répetées, un nouveau corps modifié et amelioré ressuscitera le tien, enfin, son sourire, son buste, son regard.... Ses yeux......
je vais bientôt conclure, je reprends mes esprits, je vais saborder mon lyrisme de pacotille..
En écrivant cette nuit, je ne postule rien, je ne réclame rien, et surtout pas la clé de son silence. Je m'offre à moi-même un havre de bonheur, quelques bribes de rêve, tapi derrière le treillis des mots.…
Et je l'invite au banquet, grappille ce qu'elle désire, pour elle-même ou pour l'un de ses amants.. Pour moi, c'est gratis, juste cette nuit, un surplus de bonheur…
Mon utopie est d'incarner mes rêves, de tisser patiemment la douce béatitude dont elle devient la trame..Quoi qu'il en coûte, pas après pas... Car chaque oui appelle un autre oui, sans regret, sans répit.. Le repentir est la seconde faute.
Je veux jeter l'aube sacrée. C'est vrai, depuis longtemps, sans oser l'avouer, je ne crois plus au Dieu sadique, lui aussi muet et glacé comme la tombe devant mon désarroi. La foi peut abbatre des montagnes si l'on en croit le proverbe..
Et bien, me voici préparé.. mes outils en main... J'attends que l'on désigne la roche qui subira mon exaltation renaissante..
RL.