.. Suis en train de revoir cet ovni du cinéma français, injustement boudé par le public lors de sa sortie en salles, l'Outremangeur, unique long-metrage cinéma d'un illustre inconnu dont le nom est familier des seuls cinéphiles et etudiants en ecole de cinéma: Thierry Binisti..
D'une manière generale, Thierry Binisti réalise surtout des épisodes de mauvaises séries, ou bien des téléfilms.. Un parcours de réalisateur lambda, habitués aux commandes et aux formats predéfinis pour la télévision.. Bref, une honnete petite carrière sans remous, sans failles..
Et pourtant, cet homme a pondu l'Outremangeur..
l'Outremangeur.. une sorte de monument qui s'ignore.. Je crie au génie méconnu et au chef-d'oeuvre.
Mais.. Pour parler de l'Outremangeur, il ne faut pas forcement s'attacher à l'histoire, mais plutôt à la manière dont elle est traitée.. Un flic partculierement tres obèse, le commissaire Selena, apprend suite à un malaise qu'il est condamné si il ne maigrit pas dans les plus brefs délais. Lassé, n'ayant plus rien à perdre, il enquete sur un meurtre et trouve des preuves contre une jeune fille, Elsa, magistralement interpreté par la talentueuse Rachida Brakni..
Le commissaire décide alors de ne pas presenter les preuve au juge et impose à la jeune fille une sorte de pacte qui consiste à ne rien dévoiler à la justice en echange d'un diner en tete à tete tous les soirs de 21h00 à 23h00 pendant un an.. Et c'est la tout l'interet du film.
Nous sommes confrontés tout le long à une sorte de faux huis clos entre Elsa et Selena durant ces repas, les frustrations de l'un rentrant en conflit etrange et malsain avec les frustrations de l'autre, et pourtant d'une certaine manière se sauvent mutuellement.. Une sorte de Belle et la Bete moderne.. C'est tout l'enjeu de l'histoire, les differents protagonistes externes à cette relation duelliste et les intrigues policieres-meurtre-famille ne servant que de pretexte pour developper cette touchante et tragique relation melant la haine, l'amour et une sorte de rancoeur pesante et fascinante à la fois..
Une manière de se secourir les âmes meurtries et les corps abimés qui prend toute sa dimension du fait que Thierry Binisti filme avec une distance et une pudeur qui respecte les personnages et la douleur qui les accable.. Le cadrage, la couleur, la mise en scène, le montage.. Tout est scrupuleusement pensé dans ce but, qui donne une reussite remarquable au resultat de l'ensemble..
Eric Cantona joue le rôle principal, le commissaire Selena.. Engraissé naturellement et artificiellement pour l'occasion, il est epoustouflant de verité et de credibilité en donnant à son personnage toute la texture qui s'impose.. Un énorme travail d'acteur qui me laisse penser que ses detracteurs fort nombreux devraient se poser la vraie question que personne ne pose jamais: Alors qu'il aurait du faire l'acteur depuis longtemps, pourquoi a t'il perdu tant de temps sur les terrains de football??
Il ne s'agit pas seulement d'un excellent film, il sit aussi d'un sujet qui touche un domaine sur lequel je susi particulierement sensible; le problème de poids.
Cette histoire me raconte tellement de choses, d'autant plus qu'elle est merveilleusement filmée.. Elle me rappelle certaines evidences de vie qui echappent peut-etre d'une manière subtile aux gens qui me ressemblent.. Sur la difficulté de la difference, sur la difficulté d'aimer.. Et surtout d'etre aimé.. Un cercle vicieux sans fin.. Moins d'amour provoque ce besoin permanent d'un palliatif.. Ce meme palliatif qui nous eloigne encore et toujours un peu plus de l'amour dont on a tant besoin..
Elle me rappelle egalement que les individus sont fondamentalement des egoistes inconcients qui l'ignorent, et qui vivent au rythme de codes et d'academismes qu'il est si confortable d'epouser lorsque l'on correspond aux dogmes d'une certaine société.. Malheur à celui ou à celle qui malencontreusement se trouve en position de ne pas correspondre à ces dogmes..
Ce film me rappelle que l'on a tous besoin des autres ou de quelqu'un, condition sine qua non à la bonne tournure et au bon équilibre de notre existence morale et physique..
Mais le regard des autres n'est pas un du, le regard des autres se merite..
Mais alors, que se passe t'il lorsque l'on a pas la force de mener le combat pour meriter le regard des autres??
Que reste t'il à faire?
RL.
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