Tout le monde a lu 99 francs, le best-seller de Frederic Begbeider sorti en 2000, c’est à dire avant le passage à l’euro..
Mais y aura-t-il autant de monde pour aller voir son adaptation au cinéma par le réalisateur Jan Kounen, avec Jean Dujardin dans le rôle principal?? Rien n’est moins sûr..
Entre temps, la rébellion anti-pub et l’altermondialisme branché ont fait long feu, la génération qui regarde la télé sur son ordi a autre chose à faire que casser de la grande mechante multinationale.. Elle prefere voir le très logoïsé Brice de Nice "casser" le premier type qui passe, ou, pire, acheter les disques pseudo-parodiques (mais extrêmement juteux) du très friqué mais néanmoins non dépourvu de talent Michael Youn..
Quant au "No Logo" de Naomi Klein, elle n’en a heureusement jamais entendu parler..
Pourtant, à l’heure ou Arnaud Desplechin sévit encore et ou les films de Eric Rohmer circulent toujours en toute impunité, 99 francs demeure rafraîchissant..
Jan Kounen, grace à son gout pour la BD, les effets spéciaux, les sujets pop ou trash, devrait même être le réalisateur le plus cool de France, sans compter que son truc c’est aussi et avant tout la publicité, pour laquelle il a notamment tourné des spots Peugeot ou Adidas.
Cela aurait pu légitimer davantage encore son propos sur ce secteur, à la suite de l’ex-créatif publicitaire talentueux Beigbeder.. Mais au lieu de devenir notre Tarantino national, Jan Kounen s’acharne depuis son premier et génial long-métrage à succés, Dobermann sorti en 1997, à trop vouloir en faire..
99 francs, c’est comme Tropico, c’est trop.. Trop d’idées visuelles, dont certaines déjà vues (dans un certain Fight Club notamment), une séquence de dessin animé ultra-violente, une autre consacrée aux bienheureux indigenes primitifs d’une île paradisiaque… Pas grand-chose à voir avec le sujet initial, parfaitement bien traité au début du film: l’univers impitoyable de la publicité.
Les scènes de travail en binôme, ou de réunions avec les clients de l’agence valent leur pesant de M&M’s.. La présence de ma copine Vahina Giocante dans le rôle de la chérie d’Octave, le double de Beigbeder, se révèle moins incendiaire qu’on l’aurait fantasmée (decision de mise en scène probablement), mais nous vaut une autre scène désopilante, autour d’un test de grossesse, qui vaut à elle toute seule d'aller voir le film.. :-)
Notons que à l’instar du roman, le film démarre très fort puis plonge le spectateur dans un gloubiboulga comico-idéologique assez surrealiste; question cinéma, on en a pour son argent, mais j'aurais économisé volontiers la petite morale de bobo moyen qu’on nous assène à la fin..
Dommage, par-dessus tout, que cette adaptation néanmoins originale et courageuse, ait été réalisée si tard.. On ira voir 99 francs pour se souvenir d’une époque qui n’est plus tout à fait la nôtre..
Comme l’affirme le leitmotiv du film: "Tout est provisoire: l'amour, l'art, la planète Terre, vous, moi".. C’est vrai, tout est provisoire. Les publicités, les modes, les monnaies, et même parfois les meilleures idées de romans.. Frederic Begbeider, cela dit, en est le moins victime comparé à certains.. :-)
RL.
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